“Everything's changed. Men fall from the sky, the gods hurl thunderbolts, innocents die. That’s how it starts. The fever. The rage. The feeling of powerlessness. It turns good men cruel.”
Par où on commence, quand on enquête sur soi-même ? Vaste question, à laquelle John Constantine n’a pas encore de réponse. Ce n’est pas la première fois qu’il doit creuser dans le vaste site archéologique d’une enquête criminelle, mais il doit bien l’avouer, c’est la première fois qu’il est à la fois victime et suspect de l’affaire. Pas exactement les conditions idéales pour lever le voile sur un mystère particulièrement tenace, qui le tient entre ses griffes depuis des mois sans qu’il ne semble faire la moindre avancée. C’est frustrant, c’est casse-pieds, ça l’agace. Et cette amnésie qui n’arrange rien, qui réussit même, dans ses moments les moins reluisants, à lui coller le doute au cœur…
Donc, John décide, arbitrairement mais logiquement, qu’il lui faut l’assistance d’un professionnel. Un regard extérieur, quelqu’un d’aussi tenace que lui et qui ne prendra pas ses jambes à son cou quand il verra dans quel marasme John lui proposera de s’embourber. Gotham City n’est pas exactement un paradis sur terre, et n’importe quel détective prive a sans doute déjà vu son lot d’horreur, même un débutant… mais si vous voulez son avis, reste une différence entre enquêter sur une sordide affaire d’adultère, un enlèvement aux frais de la pègre locale, et une secte qui a réussi à faire frémir la ville du crime pour les quelques semaines qu’elle a passées en une des journaux. Avec sa tronche en prime.
Park Row. Gotham City tout entière empeste le crime et la corruption, comme un cancer généralisé ; mais si la maladie a une origine quelque part, peut-être bien que ce serait dans ce quartier-là. John les sent dans l’air, ce désespoir des gens, cette résignation, à attendre qu’un désastre ou un autre ne leur tombe sur le coin de la gueule, à dépérir dans des taudis pendant que par leurs fenêtres ils peuvent voir, au loin, les tours luminescentes de Wayne Industries et de l’Iceberg Club. Deux poids deux mesures, hein. John tire une dernière fois sur sa cigarette, avant de la laisser tomber sur le bitume et l’écraser de son talon, et de s’engouffrer dans l’immeuble miteux ou il sait toucher au but. John Constantine a besoin d’un expert – et coup de bol, il sait exactement à qui s’adresser…
… ou croyait le savoir ? John frappe à la porte du bureau de Vic Sage et, sans attendre d’invitation, l’ouvre à la volée, prêt à saluer son interlocuteur d’une tirade bien sentie ; tout ça pour sentir sa voix mourir automatiquement dans sa gorge alors que lui fait face une femme, une inconnue, qui le dévisage avec autant d’insistance que de méfiance. Ah. Ca, c’est nouveau. « Vous n’êtes pas Vic Sage. » John observe (dix sur dix, bravo pour la perspicacité, Johnny boy). « Et vous n’avez pas une dégaine de secrétaire… » Il l’inspecte de haut en bas, de bas en haut, sa main toujours sur la poignée de porte. « Me dites pas que Sage a pris sa retraite ? » Ce serait bien sa veine, tiens.
Assise ou plutôt avachie sur sa chaise en bois usée, Montoya — une jambe posée sur son bureau, un verre de whisky à moitié vide et un sac de petits pois surgelés sur l’oeil droit pour lutter contre la douleur, mais aussi et surtout l’apparition d’un cocard — elle observait en silence une tache laissée par le dernier des eaux. Elle était épuisée… épuisé par presque quarante-huit heures de traques dans les bas fonds de Gotham pour retrouver la trace d’un ancien amant minable ayant disparu avec l’argent d’une mère de famille honnête, mais désespéré au point de sacrifier une partie de ses rares économies afin d’engager la détective. Résultat, elle avait réussi sa mission, pris un mauvais coup dans le visage et récupéré de quoi payer à manger — mais surtout à boire pour les deux prochaines semaines. Heureusement que Vic lui avait légué la propriété du bureau, au moins elle n’avait pas à s’inquiéter de payer son loyer chaque mois. La brune rajusta sa position, finissant d’une traite le reste de son verre de whisky, avant de s’installer plus confortablement et fermer les yeux. Juste quelques secondes, le temps d’un battement de coeur et d’oublier la violence et la peur qui suintait de chaque mur de Gotham City… en plus elle n’a pas de contrat urgent dont elle doit s’occuper… juste quelques recherches de personnes disparut, mais pour lesquelles la détective attendait des retours d’information… quant à son autre boulot… et bien elle sortirait sans doute ce soir… elle devait secouer quelques personnes… mais Montoya était sur les dents en ce moment.
On frappa à la porte et elle s’ouvrit avant même qu’elle n’ait eu le temps de répondre. Des années de réflexes acquis dans la police, puis aiguisés par Vic la firent réagir au quart de tour. L’inconnue n’avait pas commencé à parler qu’elle faisait déjà face — toujours assise, mais les pieds bien posés sur le sol — son pistolet sortit, le canon pointé droit vers le nouvel arrivant. Un nouvel arrivant qui semblait aussi surpris qu’elle.
— Je vois que vous avez un grand sens de l’observation, se moqua-t-elle lorsqu’il dit qu’elle n’était pas Vic Sage et n’avait pas non plus l’air d’une secrétaire. Vous avez été formé par Sage pour être aussi fin observateur ?
Qui était-il ? Un ami de son mentor ? Un camarade ? Une chose était certaine, elle n’avait jamais entendu parler de lui… enfin cela n’avait rien de très surprenant Vic ne s’était guère étendu sur sa vie privée et sa mort ne lui avait pas permit d’en savoir plus, car Montoya était la seule — sans compter le prêtre officiant par défaut, la jeune femme n’ayant aucune idée de la confession de Sage. Montoya se leva, mais gardait son arme dans son poing serré. Trop de prudence ne tuait pas, le contraire par contre… Et si l’inconnu se sentait insulté ou menacé et bien, il serait toujours temps de s’excuser plus tard si jamais il n’était pas un danger.
— Bon vous allez commencez par me dire qui vous êtes et pourquoi vous cherchez Sage, et si la réponse me convient… je vous dis où le trouver, proposa-t-elle. Sinon, vous pouvez aussi faire deux pas en arrière et fermer la porte..
Ce n’est pas la première fois que John se retrouve nez a nez avec le canon d’un revolver. Mais, rien a faire, ça ne devient pas plus facile avec l’expérience. Le barillet face à lui comme un gouffre abyssal duquel une balle peut partir a tout instant, sur impulsion de cette femme au regard aussi dur que celui qu’il se souvient avoir vu à quelques reprises dans les yeux de Vic Sage… John déglutit, les mains prudemment levées en l’air, tentant tant bien que mal de reprendre le contrôle sur les sueurs froides qui lui parcourent l’échine, sur le battement panique et erratique de son cœur déjà pas franchement fringuant de base. Okay. Ce n’était pas tout à fait ça qu’il avait en tête en s’invitant chez ce bon vieux Vic, mais hé… peut-être que certaines choses font vraiment partie de l’ADN de la ville du crime. Paranoïa et violence marchant main dans la main – et au vu du climat actuel, même l’éternel pessimiste qu’il est peut comprendre que certains soient sur les nerfs.
Okay. Parler de Sage – voilà qui semble être un bon début pour tenter de trouver une ouverture. « Formé ? Par Sage ? Please – à la rigueur, ce serait plutôt moi qui lui ai appris deux-trois choses dans des domaines qui sortent un peu de son champ d’expertise habituel. » John lance sa ligne et espère que ça morde. Face à la méfiance, on trouve encore difficilement mieux comme arme que la curiosité.
« Mon nom est John Constantine. » Une fois l’hameçon lancé, continuer avec le peu d’honnêteté qu’il a dans le système. De deux possibilités l’une : soit cette femme est une alliée de Sage, suffisamment en confiance pour que ce vieux grigou lui ait parle de lui, soit le nom lui sera inconnu, et l’histoire sera plus facile à façonner selon ce qui l’arrange. A moins qu’elle ne se souvienne de son nom dans les journaux il y a un peu moins d’un an… auquel cas, il aurait possiblement quelques problèmes. Oh well. « Ce brave Sage est une vieille connaissance que j’ai sorti de quelques faux pas lorsqu’il a eu l’idée a l’occasion de mettre son nez dans des affaires qui dépassaient son champ de compétences, et en échange, il m’a déjà fourni quelques bons tuyaux quand j’ai fait la même chose. Au cas ou l’accent ne m’ait pas encore trahi, je suis pas du coin. » Attentif, John dévisage la jeune femme, de plus en plus curieux. Elle ne panique pas comme le ferait un intrus, et a l’air de bien connaitre ce bon vieux Vic… une collaboratrice ?
« Je me suis récemment retrouve dans un sac de nœuds que j’ai du mal à démêler. J’espérais trouver Sage et faire appel à ses talents de fin limier pour trouver des réponses à quelques-unes de mes questions au sujet d’une secte dont une branche a été démantelée il y a un peu moins d’un an. Le reste de la bête subsiste, et j’ai un intérêt personnel à les faire tomber. Et quiconque passe assez de temps dans les bons cercles à Gotham, sait que c’est ici qu’on trouve les réponses aux questions qu’on n’ose pas poser… »
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Assise ou plutôt avachie sur sa chaise en bois usée, Montoya — une jambe posée sur son bureau, un verre de whisky à moitié vide et un sac de petits pois surgelés sur l’oeil droit pour lutter contre la douleur, mais aussi et surtout l’apparition d’un cocard — elle observait en silence une tache laissée par le dernier des eaux. Elle était épuisée… épuisé par presque quarante-huit heures de traques dans les bas fonds de Gotham pour retrouver la trace d’un ancien amant minable ayant disparu avec l’argent d’une mère de famille honnête, mais désespéré au point de sacrifier une partie de ses rares économies afin d’engager la détective. Résultat, elle avait réussi sa mission, pris un mauvais coup dans le visage et récupéré de quoi payer à manger — mais surtout à boire pour les deux prochaines semaines. Heureusement que Vic lui avait légué la propriété du bureau, au moins elle n’avait pas à s’inquiéter de payer son loyer chaque mois. La brune rajusta sa position, finissant d’une traite le reste de son verre de whisky, avant de s’installer plus confortablement et fermer les yeux. Juste quelques secondes, le temps d’un battement de coeur et d’oublier la violence et la peur qui suintait de chaque mur de Gotham City… en plus elle n’a pas de contrat urgent dont elle doit s’occuper… juste quelques recherches de personnes disparut, mais pour lesquelles la détective attendait des retours d’information… quant à son autre boulot… et bien elle sortirait sans doute ce soir… elle devait secouer quelques personnes… mais Montoya était sur les dents en ce moment.