Devoir à nouveau s’habituer à la « modernité » de Metropolis, ses murs et ses panneaux aussi fragiles que du papier après avoir passé du temps à Themyscira restait compliqué même si on était loin de ses débuts catastrophiques en ville. Fausses lunettes sur le nez, casquette large vissée sur le crane et frange faite sommairement à la main pour paraître la plus ordinaire au monde sous son manteau, Kara était tout simplement de sortie pour s’acheter un burger. Soirée classique pour quelqu’un de son âge mais une victoire pour elle de réussir à faire cela sans casser la borne automatique au moment de choisir son menu.

« Bat-Burger ? c’est un sandwich qui rend de mauvais poil ? » Marmonna-t-elle de façon à ce que personne ne l’entende, avant d’enfin se décider à prendre le « Big-S », des « Wonder-frites » et un soda. Ces fast-food qui faisaient du merchandising sur les héros la faisaient légèrement soupirer et d’un autre côté elle savait que s’il venait à y avoir un menu à son nom, elle n’en serait que trop ravie pour ne pas bassiner les oreilles de son cousin avec ça. S’asseyant sur un banc à l’extérieur, elle en profita pour souffler un peu, regardant le ciel tout en dégustant son repas. Pas d’étoiles à l’horizon, juste la lune et la pollution lumineuse qui cachait le reste. Là, dans cette vaste étendue bleue, elle savait pourtant qu’à la vitesse de la lumière persistait encore quelque part une image de sa planète disparue, une lumière qui ne s’éteindrait que d’ici plusieurs milliers d’années et qui ne laisserait jamais sa blessure se refermer complètement. Cependant, avec ses entraînements, ses nouvelles connaissances sur Terre et l’aide de Clark, elle avait pu enfouir sa colère, préférant se dire qu’elle devait faire le bien en l’honneur de ses amis et sa familles disparus, pour protéger ce nouvel endroit qu’elle avait encore du mal à appeler « maison » et qui était pourtant tout ce qu’il lui restait.

« Si y’a bien un truc à protéger ici, c’est les fast-foods… les sauces terriennes sont vraiment d’un autre niveau ! » Dit-elle avant d’arracher un morceau de son burger à pleine bouche, profitant de ce plaisir simple avant que les complications n’arrivent, car si elle avait bien appris une chose, c’était que sur Terre, rien ne restait simple et plaisant très longtemps avant que les problèmes ne s’en mêlent, mais ces problèmes… Elle les appréciait malgré tout. Ils lui permettaient de se défouler, de se prouver ce dont elle était capable, de montrer à Clark et aux autres qu’elle pouvait se débrouiller, et rencontrer d’autres personnes voulant simplement faire le bien comme elle. C’était dans ces moments-là, entourée de ces personnes qu’elle se sentait un peu plus à sa place que dans son université ou en ville à devoir toujours faire semblant.

Son téléphone sonna alors qu’elle venait de finir son burger, s’essuyant la bouche avec la serviette, elle regarda alors le message qu’elle mis un peu de temps à déchiffrer, n’ayant pas vraiment appris le langage SMS. Cependant, une fois compris, son cœur se mis à battre plus intensément et un sourire ne put faire autrement que s’échapper de ses lèvres : un peu d’action pour finir la journée était certainement ce qui lui manquait, elle pouvait faire tomber le masque. Se dirigeant vers une allée sombre, tout en en profitant pour jeter ses déchets, elle enleva son déguisement pour ne rester que dans son costume bleu et rouge avant de s’envoler pour la ville du crime et du rabat-joie de service. Si pour certains, cela pouvait prendre du temps, elle arriva, quant à elle, très vite à la position d’Orphan, ne laissant que quelques secondes entre la réception du message et son arrivée sur les lieux, déplaçant une bourrasque d’air à son arrivée. La personne qu’elle venait aider était une des dernières élèves de Batman, et pourtant l’une des plus talentueuses au combat de ce qu’elle savait. Souvent silencieuse, Kara ne savait pas si la jeune femme était timide ou tout simplement ne l’appréciait pas, ce qui ne la choquerait pas vu sa relation pour le moins tendue avec le mentor de cette dernière. Pourtant, la jeune Kryptonienne ne pouvait s’empêcher de se dire que si la justicière l’avait appelée, elle faisait au moins un minimum confiance en ses capacités, ce qui la rassurait malgré tout.

« J’ai fait au plus vite ! » Dit-elle avec un grand sourire sur le visage pour balayer ses propres doutes, ne pas montrer ses craintes, être un symbole au même titre que le reste de sa famille. Le costume de son alliée du moment avait beau cacher entièrement son visage, son masque n’était pas aussi sophistiqué que celui du chevalier noir dans lequel une fine couche de plomb lui empêchait de voir au travers. Retapant alors sa jupe pour être plus présentable aux côtés de sa camarade, elle s’accroupit pour être moins voyante aux yeux des possibles truands et autres criminels qui parcouraient les rues de cette ville qu’elle n’appréciait pas vraiment. S’approche au plus près d’Orphan, elle baissa le ton de sa voix pour n’être plus qu’un murmure. « Alors, on arrête qui aujourd’hui ? », dit-elle avec un léger ton d’amusement et d’excitation dans la voix.

Kara écoutait attentivement sa camarade nocturne concernant l’ennemi qu’elles devraient affronter. Après tout, en termes de criminels dans cette ville sombre, c’était elle l’experte, pas la jeune femme habillée en rouge et bleu. Si Kara reprochait bien des choses au chevalier noir de Gotham, elle ne pouvait qu’admettre qu’il était plus que compétent et que tous ses alliés l’étaient tout autant à leur manière. De ce qu’elle avait entendu dire, ce n’était pas commun que les criminels de cette ville soient des méta-humains avec des pouvoirs, et Clayface devait être l’un de ces rares cas, Gotham étant bien plus souvent aux prises avec les mafieux, guerres de gangs et tueurs en série qu’avec des humains à pouvoir mals dans leur peau ou, en l’occurrence, leur argile.

« Compris ! On les débusque, on les force à se regrouper et on le neutralise ! » Techniquement, c’était assez simple et résumé, et cela devait être bien plus compliqué en pratique, surtout lorsque l’ennemi pouvait prendre n’importe quelle apparence et se diviser. Enfin, ce n’était pas là le problème principal de Kara qui semblait déjà embarquée dans l’éventualité où elles réussissaient la première partie du plan. « Je pense que pour le capturer je peux le glacer avec mon souffle ! Enfin, si c’est pas mortel, sinon faut trouver une autre solution ! Je ne peux pas le chauffer avec mes yeux, il risquerait de se transformer en statue dans les docks et je pense pas que Bat-grincheux apprécie que je transforme ses criminels en œuvre d’art contemporaine. » A vrai dire, la mauvaise foi parlait un pour elle car elle se ferait probablement rabrouée par son cousin si elle en faisait de même avec le Président des Etats-Unis ou d’autres de ses adversaires. « Enfin, on trouvera un truc, mais t’inquiètes pas, t’es pas toute seule ! » Lança-t-elle avec un sourire assuré comme le faisait si bien Clark, comme pour répondre à ce que disait Cassandra sur son incapacité à arrêter les cinq versions de Clayface qui arpentaient le quartier. Ce n’était bien sûr qu’une façade qu’elle prenait pour se donner de l’assurance à elle-même car certains de ses gestes dénotaient encore de certaines incertitudes, de la peur d’échouer, de ne pas être au niveau des attentes qu’on plaçait en elle. Les amazones l’avaient entraîné, Clark lui faisait confiance, Dick et les autres aussi, Batman quant à lui était toujours sur ses talons à la moindre de ses erreurs et à lui faire la leçon, chose qu’elle préférait clairement éviter.

La radio que gardait Orphan lança les informations qui circulaient entre la GCPD qui semblait, comme le disait la justicière, bien trop occupée partout pour prendre en charge les agressions perpétuées par Clayface, ce qui dépita quelque peu Kara. Non pas qu’elle se plaignait de la police, mais plutôt de cette ville où le crime était tellement présent que même les institutions étaient débordées, et elle comprenait aussi pourquoi Gotham était le berceau de tant de justiciers sans pouvoir autre que leurs capacités physiques et mentales et leur volonté de rendre leur ville plus vivable : ils n’avaient que cet espoir auquel se raccrocher, ils devaient prendre les choses en main eux-mêmes sinon la situation ne risquait pas de changer. Le soupire de la justicière et sa proposition de se répartir les cibles ne firent que rajouter des éléments supplémentaires sur l’impression globale que laissait cette ville à la jeune héroïne qui posa sa main sur l’épaule de son alliée.

« On fait ça alors ! Tu as une idée du point où on peut les regrouper ? Comme ça on s’occupe de ça vite fait et on aura même le temps de boire quelque chose ! » Un café bien chaud ou un thé était probablement ce qui lui manquait le plus lorsqu’elle n’était pas dans la ferme de Smallville, là où les étoiles étaient bien plus visibles qu’en pleine ville. « On se sépare les cibles comment ? La première qui en trouve le plus a gagné ? » Lança-t-elle, comme si elle prenait cela à la rigolade. Bien sûr, elle restait sérieuse sur le plan de la mission et la gravité des actions de celui qu’elles allaient appréhender, mais cela l’aidait aussi un peu à se détendre, sans compter qu’elle semblait tout simplement exulter de joie à l’idée qu’on ait pensé à elle comme aide possible pour un travail de justicière, se sentant enfin acceptée dans ce rôle par quelqu’un d’autre que Diana ou un membre de sa famille un peu trop protecteur.